2010 : Année de la biodiversité ?

2010 a été déclarée “Année mondiale de la biodiversité” par l’organisation des Nations-Unies. C’est aussi l’année-butoir avant laquelle l’Europe s’est engagée à stopper l’érosion de la biodiversité sur son territoire.

Alors 2010, année de tous les espoirs pour la biodiversité ? Historique et état des lieux, suite à la publication de la nouvelle liste rouge de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature, qui pointe du doigt la France pour ses mauvais résultats.

C’est dans les années 1970, à l’apogée de la période des Trente Glorieuses, et grâce aux [tooltip text=”Publié en 1972, le rapport The Limits to Growth (traduit en français par : Halte à la croissance ? Rapport sur les limites de la croissance), est la première étude importante soulignant les dangers écologiques de la croissance économique et démographique que connaît alors le monde.”]travaux du Club de Rome[/tooltip] notamment, que débute la prise de conscience internationale des excès et des dysfonctionnements des modes de développement industrialisés, dont les limites commencent à apparaître.
Dans ce contexte, il est progressivement apparu de plus en plus évident que la biodiversité, bien public, vital pour l’humanité, était gravement menacée et qu’elle ne pouvait être correctement restaurée, protégée et gérée qu’à échelle internationale.
La reconnaissance institutionnelle de cet état de fait a lieu au Sommet de la Terre de Rio en 1992, au cours duquel, sous l’égide de l’ONU, tous les états-membres ont décidé de faire une priorité de la protection et restauration de la diversité du vivant, au travers de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB). Les trois objectifs de cette convention sont la conservation de la biodiversité, son utilisation durable et le partage juste et équitable des bénéfices liés à l’usage des ressources génétiques.

Dix ans plus tard, en avril 2002, lors de la 6ème réunion de la Conférence des Parties de la CDB, tous les pays membres de l’ONU se sont engagés devant le [tooltip text=”Programme des Nations-Unies pour l’Environnement”]PNUE[/tooltip], à “assurer, d’ici 2010, une forte réduction du rythme actuel de perte de diversité biologique aux niveaux mondial, régional et national, à titre de contribution à l’atténuation de la pauvreté et au profit de toutes les formes de vie sur la planète”. Cet objectif et sa date butoir ont été validés lors du Sommet mondial pour le développement durable, à Johannesburg en 2002.

Pendant ce temps, l’évaluation des écosystèmes pour le Millénaire (EM ou MA : Millenium Assessment pour les anglo-saxons) a été commandée par le Secrétaire Général de l’ONU, Kofi Annan. Entamé en 2001, ce travail a duré quatre ans. Il a réuni les contributions de plus de 1 360 experts issus de près de 50 pays, pour évaluer, sur des bases scientifiques, l’ampleur et les conséquences des modifications subies par les écosystèmes dont dépendent notre survie et le bien-être humain. Il vise à prioriser les actions à entreprendre pour restaurer et conserver notre environnement et pour son utilisation durable par l’Homme.
Publié en 2005, ce rapport a confirmé que 60% environ des écosystèmes étaient “dégradés” à “très dégradés”, et souvent surexploités. Ce qui est inquiétant, ce n’est pas tant que des espèces disparaissent, ce qui se produit dans le cadre d’un processus d’extinction normale des espèces. Le problème, c’est que, selon l’Evaluation des écosystèmes pour le millénaire, les taux actuels d’extinctions d’espèces seraient de 100 à 1000 fois plus élevés que les niveaux jugés naturels. 

Quand on commença à parler de la 6ème extinction des espèces… 

Au-delà d’une extinction naturelle normale, la faune a connu 5 extinctions de masse, au cours desquelles 50 à 95 % des espèces disparurent dans un laps de temps historiquement limité.
D’après de nombreux spécialistes, une sixième vague d’extinction serait en cours, et contrairement aux précédentes qui sont le résultat de catastophes naturelles, celle-ci a lieu du fait de l’activité humaine (principalement par la destruction des biotopes). Sur la base du taux moyen d’extinction actuel de 40 espèces par jour, en 16.000 ans disparaîtraient 96 % des espèces animales contemporaines, autant que durant la période de l’extinction désastreuse du Permien (3ème extinction / – 250 millions d’années).

Ces dernières années, l’objectif principal a donc été d’essayer d’enrayer le rythme de perte de biodiversité. En vue d’accroître la prise de conscience du public, le 20 décembre 2006, l’Assemblée générale des Nations-Unies a déclaré 2010 “Année internationale de la biodiversité” (résolution 61/203), et a désigné le secrétariat de la CDB comme centre de liaison.

Pour sa part, après deux années de consultation internationale et la mise en place d’une stratégie de poursuite de l’Evaluation pour le Millénaire, le PNUE a officiellement annoncé, le 12 novembre 2008, une consultation vers la création d’un groupe intergouvernemental d’experts sur la biodiversité, sur le modèle du GIEC, nommé Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES).

Le 19 décembre 2008, l’Assemblée générale des Nations-Unies a prié instamment tous les états Membres à respecter les engagements qu’ils ont pris de ralentir sensiblement l’appauvrissement de la diversité biologique d’ici à 2010 en accordant l’attention voulue à la question dans leurs politiques et programmes (résolution 63/219).
Elle a également invité tous les états Membres à créer des comités nationaux, comprenant des représentants des communautés autochtones et locales, pour célébrer l’Année internationale de la biodiversité et a invité toutes les organisations internationales à marquer l’événement.

Etat des lieux en Europe et en France

Dès 2001, pour se conformer à ses engagements internationaux, l’Europe s’est fixé l’objectif d’arrêter le déclin de la biodiversité en Europe d’ici 2010, dans l’accord sur une Europe durable pour un monde meilleur (Sommet européen de Göteborg). Lancé en 2004, le projet SEBI 2010  (Streamlining of European 2010 Biodiversity Indicators), piloté par l’Agence européenne pour l’environnement, vise à développer un set de bioindicateurs afin d’évaluer le chemin qui reste à parcourir pour atteindre cet objectif.
En 2008, l’Union européenne sollicite le banquier indien Pavan Sukhdev pour réaliser une étude sur “l’économie des écosystèmes écologiques et de la biodiversité”. Dans la lignée du rapport Stern qui chiffrait le coût du changement climatique, l’objectif est de donner un prix aux différents services rendus par la nature (alimentation, énergie, eau, textile…) pour prendre conscience de sa valeur réelle, et d’estimer les bénéfices économiques globaux liés à la biodiversité et les coûts engendrés par son érosion.
En effet, il y a encore des réticences à considérer que la biodiversité est une ressource en tant que telle. Bien sûr, rares sont ceux qui nient les bénéfices non matériels des écosystèmes, en particulier leurs valeurs spirituelles et esthétiques. Mais la biodiversité soutient quantité de processus et de services des écosystèmes naturels, tels que la qualité de l’air, la régulation climatique, la purification de l’eau, la lutte contre les parasites et les maladies, la pollinisation et la prévention des érosions. Des pans entiers de l’économie en dépendent.

Dernièrement, des indicateurs ont été développés pour prendre en compte et intégrer la valeur de la biodiversité dans les entreprises ou les collectivités. Néanmoins, si des programmes de recherche sont mis en place à l’échelle européenne et nationale, et si la prise de conscience scientifique semble acquise, dans les faits, sur le terrain, il semble que les objectifs fixés pour 2010 ne seront pas tenus… 

Selon une étude de l’UICN réalisée sur 45 000 espèces et publiée le 1er juillet 2009, l’objectif international d’enrayer le déclin de la biodiversité dans le monde ne sera pas atteint en 2010. Chaque famille d’espèces étudiée poursuit son déclin  affirme Jean-Christophe Vié, directeur adjoint du programme de l’UICN pour les espèces et principal auteur de l’étude.

Et le 3 novembre, à l’occasion de la publication de la nouvelle édition de la Liste rouge des espèces menacées, le Comité français de l’UICN souligne la responsabilité majeure de la France dans la lutte contre l’érosion de la biodiversité mondiale : d’après cet état des lieux, la France est en première ligne, figurant au 8ème rang des pays hébergeant le plus grand nombre d’espèces mondialement menacées.
Quatrième puissance économique mondiale, la France est en effet très loin de donner l’exemple en terme de politique environnementale et de maîtrise d’impacts majeurs, comme la production de gaz à effets de serre. Elle est le 1er importateur européen de bois tropical africain, 3ème exportateur mondial de voitures et 1er exportateur d’avions de ligne avec ses partenaires européens.

Hasard du calendrier…

Le lendemain, 4 novembre, la secrétaire d’Etat à l’écologie, Chantal Jouanno, annonce la mise en place du comité de pilotage “2010, année de la biodiversité”, conformément à la recommandation de l’ONU. Ce dernier sera chargé de préparer les actions de l’Etat dans le cadre de l’année internationale de la biodiversité en 2010, et de coordonner un plan d’action national qui prévoit notamment un inventaire du patrimoine naturel de l’Etat, ainsi qu’un inventaire réalisé par les collectivités volontaires en partenariat avec des scientifiques et associations. Le plan prévoit également une campagne d’information et de sensibilisation du public aux enjeux liés à la conservation de la biodiversité. Plusieurs actions sont annoncées comme la protection de 55 espèces menacées.

Le 10 novembre, le projet de texte concernant “la trame verte et bleue” (TVB), un des engagements pour la biodiversité du Grenelle de l’environnement est examiné en commission à l’Assemblée Nationale. Trame verte pour les espaces terrestres, trame bleue pour les espaces aquatiques, la TVB est censée définir, afin de les protéger, des zones écologiques cohérentes reliées par des corridors, dans l’objectif de constituer des territoires naturels qui garantissent la circulation des espèces et donc leur reproduction.

Ces initiatives sont encourageantes…
mais n’arrivent-elles pas un peu tard pour ne pas gâcher la fête en 2010 ?

Sources :
portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=46227&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html
www.un.org/french/events/observances/environment.shtml
www.cirs.fr/breve.php?id=674
www.geo.fr/environnement/actualite-durable/biodiversite-iucn-43025
www.uicn.fr/Liste-rouge-2009.html
www.developpementdurablelejournal.com/spip.php?article5521
www.developpementdurablelejournal.com/spip.php?article5504
www.developpementdurablelejournal.com/spip.php?article5512

 

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